Le Témoin Tragique
Le Témoin Tragique explore, à travers un regard empreint de gravité, une réflexion profonde sur la solitude, le courage et les dilemmes de notre époque.
La peur au ventre. J'écris la peur au ventre. Suis-je libre ? Suis-je vivant ? Je l'étais, je crois, et puis ce fut le gouffre, la peur et la prudence. Ça ne nous concerne pas. En êtes-vous sûr ? Ce n'est que mon opinion — non. Car je n'en ai pas. Qui suis-je ? Je ne suis personne. Je suis perdu. Je ne suis rien. Seulement un homme. Je n'ai rien à dire ou à promettre. Pas de témoignage à apporter, pas de récits à raconter, pas d'opinion à donner. Je suis là, seulement là, et je vois. Je vois tout, oui ! Je vois le théâtre. Je vois le spectacle d’espoirs et de craintes, tandis que l’orchestre soupire par intervalles la musique des sphères.
La scène est loin, froide et mal éclairée, pourtant les projecteurs m'aveuglent et j'ai peur, si peur. Pas de ces grotesques marionnettes, non, mais de ce bruit-là autour de moi. En fait, je ne l'entends pas, car le silence est pesant. Je le ressens plutôt, comme un bruissement.
Des années plus tôt, j'ai crié, mais personne n'a entendu. Puis, je me suis débattu, mais j'ai eu mal, très mal. Alors, ce jour où je n'ai plus rien éprouvé est arrivé. Aujourd'hui, je voudrais fuir, mais je n'y arrive pas. J'attends. J'ai vu une forme rampante faire intrusion. Pourtant, je reste fixé sur la scène absurde, ridicule, drôle, terrible. Je suis un tout, sans doute. Je peux surgir comme me cacher. Je suis un lâche et un héros. Je suis la violence et la bonté. Je suis la solitude. Je suis la foule.
Le bruit devient des voix — ou bien est-ce des pleurs — qui ne sont pas humaines, et bientôt, je le sais sans le comprendre, je n'en aurai plus peur. Pourtant, l'histoire, mon Dieu, nous regarde ! Et je suis là, qui observe sans bouger. Mais que dois-je faire ? La forme est devenue rouge et elle est épouvantable. Mais qui suis-je, qui suis-je !
Je ne le sais toujours pas. Et que dois-je faire ! Cependant, la chance semble me sourire enfin, car, par une volonté venue d'ailleurs, je tourne la tête avec courage. Désormais, je peux les voir, après les avoir entendues et craintes. Mon cœur bat à tout rompre. Je suis comme transporté, bouleversé, épouvanté et serein à la fois. Oui, je sens une grande chaleur m'envahir, pourtant la forme rouge s'est transformée en bête. Elle est là. Elle sème le chaos et le froid en un ricanement glaçant. Mais à quelle époque sommes-nous ? Et qui suis-je, je le demande encore ! À présent, ces questions me hantent : ferai-je le bon choix ? Aurai-je le courage ? La foi ? La noblesse du cœur ? Saurai-je m'empêcher ? Saurai-je protéger et défendre ? Ou bien crierai-je à l'unisson avec la foule ? Comme les vils des temps anciens. Je cherche en vain la justice, la vérité, l'amour ou encore la liberté.
Mais brutalement, je n'ai plus peur. Cela m'est apparu clairement. Alors que les dents de la bête ensanglantée se couvrent de la pourpre humaine, je suis en paix et en harmonie avec la musique, car je vois et j'entends la multitude d’anges en ailes, parés du voile et noyés de pleurs, pour moi. Tout est devenu évident ! Trop évident même. Je suis le personnage principal de la pièce : l'Homme. Et mon destin est tragique. Au milieu des soupirs et des rires, je poursuis sans le vouloir une course inévitable et folle. Je comprends alors que je ne suis rien, juste un témoin de mon temps.